Un arrêt de travail est toujours un coup dur tant pour le salarié que pour l’entreprise. D’un côté, c’est une charge financière importante et une désorganisation pour l’entreprise et un manque à gagner et un isolement social pour le salarié. En France, c’est près de 11.5 millions de personnes qui souffrent, d’affections de longue durée (ALD). Elles sont au nombre de 30, répertoriées par l’Assurance-maladie.

 

Une affection de longue durée (ALD) est une maladie dont les soins et le suivi s’effectuent sur une durée prolongée (plus de 6 mois), diabète, cancer du sein, insuffisance rénale, VIH, affections psychiatriques…  Une prise en charge à 100 % est possible dans la mesure où la maladie est inscrite sur la liste établie par le ministère en charge de la santé, des 30 ALD retenues.

Les maladies cardio-neuro-vasculaires comptent le plus grand nombre de patients avec 3,3 millions de personnes affectées, suivies par le diabète, le cancer et les affections psychiatriques.

Que dit la loi

Le code du travail n’aborde pas les conditions exactes de reprise, à la suite d’un accident ou une maladie, non professionnels, mais dans le cas des accidents du travail ou maladie, professionnels, il y est prévu :

« A l’issue des périodes de suspension définies à l’article L. 1226-7, le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Les conséquences de l’accident ou de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l’intéressé aucun retard de promotion ou d’avancement au sein de l’entreprise. » (Article L. 1226-8).

Ce même principe s’applique tout de même par jurisprudence pour les arrêts non liés à une maladie ou un accident professionnel.

Que doit faire l’entreprise ?

L’employeur doit organiser pour son salarié une visite médicale auprès de son médecin du travail afin de vérifier l’aptitude de ce dernier à reprendre son emploi à la fin :

  • D’un arrêt de travail dû à une maladie professionnelle quelle que soit la durée de cet arrêt ;
  • D’un arrêt d’au moins 30 jours en cas d’accident du travail ou en cas de maladie ou d’accident non professionnel ;
  • D’un congé de maternité.

La visite de reprise doit avoir lieu dans un délai de 8 jours à compter de la reprise du travail.

Dans le cas d’un arrêt de travail supérieur à 3 mois, une visite de pré-reprise est organisée par le médecin du travail, à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil de la Sécurité sociale ou du salarié. Cette visite a pour objet de faciliter la recherche des mesures nécessaires au maintien dans l’emploi et sera suivie de la visite de reprise normale.

Lorsqu’un salarié est déclaré apte lors de la visite médicale de reprise qui suit son arrêt maladie, il doit reprendre immédiatement son travail. A défaut, il peut être sanctionné, voire licencié.

Le recours au mi-temps thérapeutique – le travail à temps partiel pour motif thérapeutique – communément appelé mi-temps thérapeutique – (art. L. 323-3, L. 433-1, R. 433-15 du Code de la Sécurité sociale), prescrit par le médecin traitant, permet de reprendre en douceur le travail.

L’aménagement du poste de travail peut intervenir à la demande du médecin du travail si l’aptitude à reprendre est soumise à certaines réserves. L’employeur doit alors aménager le poste ou adapter le travail du salarié.

Si le salarié est déclaré inapte à son poste, il doit être reclassé (reclassement pour inaptitude au poste), pour ce faire, l’employeur entame une démarche de reclassement : une transformation de poste, un aménagement du temps de travail doivent être recherchés dans l’entreprise ou dans le groupe.

Seulement dans le cas où le reclassement est impossible, l’employeur peut licencier le salarié déclaré inapte.

Le coût de l’arrêt maladie longue durée

Face à la montée des dépenses de santé non remboursables par l’Assurance maladie, un Collectif inter associatif sur la santé (CISS), le magazine 60 Millions de consommateurs et la société Santéclair ont lancé en 2013, la création de l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé. L’objectif, suivre l’évolution des sommes restant à la charge des usagers, notamment en lien avec la progression des tarifs médicaux.

Dans leur dernière étude d’octobre 2016, il apparaît que malgré la prise en charge à 100% par la Sécurité sociale d’une maladie longue durée (ALD), des frais restent à la charge du patient à hauteur de 752€ par an.

Les arrêts maladie de longue durée qu’ils soient consécutifs à des accidents du travail ou de maladies, pénalisent les trajectoires professionnelles et peuvent être vecteurs de risque de chômage.

Une personne en arrêt de plus de six mois à 50% de chance de ne pas reprendre le travail.

Confrontée depuis trois ans à l’augmentation coûteuse des arrêts de travail, l’Assurance maladie souhaite économiser 100 millions d’euros sur ce poste cette année, notamment en renforçant les contrôles de lutte contre la fraude mais aussi en accompagnant les médecins prescrivant plus d’arrêts par rapport à leurs confrères, via des entretiens avec les médecins-conseil. Ces derniers perçoivent mal les contrôles car les arrêts sont souvent justifiés, avec notamment une augmentation des troubles psychiques, dépression, burn ou bore out, qui n’aident pas les médecins.

L’objectif avoué de l’assurance maladie, réduire la durée des arrêts, prévenir leur chronicisation et le risque de désinsertion professionnelle.

Interview de Mr Bernard Lemaire, Directeur des Ressources Humaines, Tuteur Master RH CIFFOP Executive et Président de l’Institut Mieux Vivre en Entreprise, club précurseur et optimiste réfléchissant aux nouveaux modes de management favorisant le « Mieux Vivre » en entreprise, aborde le sujet du cancer dans son dernier article « Le cancer : nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre à cette terrible maladie ».

 « La maladie peut toucher tout le monde. Elle comporte des vicissitudes et pose énormément de questions quant à la position que doit adopter l’entreprise, les managers et les collaborateurs à l’égard des personnes en retour de maladie.

Je porte depuis plusieurs années le sujet du handicap en entreprise, en tant que DRH. J’ai pu construire des accords et des actions assez larges sur ce domaine. Le sujet de la maladie de longue durée en entreprise est toujours difficile à aborder avec les personnes qui ont été touchées. J’étais au début malhabile car si vous n’avez jamais été confronté à une longue maladie d’un proche ou d’une personne de votre cercle relationnel proche, il est toujours très difficile d’en parler. Aider ces personnes est un vrai enrichissement personnel et permet de relativiser les problèmes au quotidien. »

La position des managers

« Les managers se trouvent aussi parfois démunis devant les personnes en retour de longue maladie, car ils doivent jongler entre leur sentiment d’empathie envers ces personnes et les objectifs, la productivité, l’efficacité qu’ils doivent maintenir. Il faut donc les aider à faire face à leurs paradoxes apparents, entre performance à court terme et à long terme… Pour d’autre, ce n’est même pas un sujet et cela se passe très bien. En général, il s’avère que les managers dupliquent au travers de leur propre apprentissage ou expérience, ce qu’ils ont pu eux même avoir comme accompagnement à un moment de leur vie. Le rôle du DRH est central, il doit les aider à comprendre. De plus, il est le lien en interne auprès du directeur financier ou de la direction générale, pour expliquer les tenants et aboutissants de certains chiffres, dans des situations particulières notamment concernant l’analyse des ETP (équivalent temps plein) qui est un indicateur de capacité de travail ou de production. »

Que penser des personnes qui préfèrent ne pas parler de leur maladie ?

« Certaines personnes préfèrent taire leur maladie de peur d’une mise au placard au retour dans l’entreprise. C’est triste car cela équivaut à une double peine. Continuer à faire face à la maladie tout en essayant de maintenir sa vie active comme avant. Les absences répétées, ne pas pouvoir faire autant d’heures supplémentaires, sont autant d’indicateurs qui peuvent être mal appréciés ou incompris par le management. Il faut en parler et s’expliquer car après une maladie les choses changent et sont appréciées de façon différente. Peu de personnes connaissent les démarches à réaliser pour une reconnaissance en tant que travailleur handicapé, ce qui est à mon sens la première étape à entreprendre auprès de la DRH afin d’acquérir un statut particulier et protégé dans l’entreprise.

De manière générale et au travers de mon expérience, toutes les personnes revenant d’une longue maladie, ont remis en cause leur vie de fond en comble, d’un point de vue familial voire marital parfois et aussi dans leur cercle relationnel. Concernant leur vie professionnelle, le changement est tout aussi profond. En prenant l’exemple du cancer du sein pour la femme, des séquelles subsistes après la maladie, les obligeant souvent à changer de métier. Au travers des ateliers de soutien que j’anime, j’ai pu entendre des détails intimes qui m’ont permis de comprendre, mais ces détails sont difficilement livrables dans le cadre d’un contexte d’entreprise. »

Plus d’un salarié sur deux après un long arrêt maladie auraient souhaité être accompagné par son entreprise pour réintégrer son poste. Estimant que c’est un moment d’angoisse, ils ont le sentiment d’un manque d’anticipation de la part de l’entreprise, d’être perçu comme étant de trop, générant un coût financier supplémentaire, une augmentation des statistiques et indicateurs RH.

« Je pense effectivement que c’est un sujet mal appréhendé aujourd’hui dans les entreprises. Il appartient aux DRH de mettre en place des politiques de santé en entreprise en prenant soin de différencier les sujets de santé graves des arrêts maladie ordinaires. Cette subtilité permet d’accompagner les problématiques lourdes de manière différente et d’avoir une autre vision des chiffres notamment pour un dirigeant. Plusieurs acteurs sont mobilisables pour reprendre pied dans l’entreprise : le service des Ressources Humaines, la mission handicap, le médecin du travail, les assistantes sociales par l’intermédiaire des institutions de santé ou de prévoyance…

Relier le sujet des arrêts de longues maladies au handicap afin de construire une politique protectrice et plus « processée » pour les personnes, serait une vraie avancée dans les entreprises. »

Il existe des facteurs clés de réussite pour réintégrer un collaborateur dans l’entreprise à la suite d’un arrêt de travail

Qui n’a pas été inquiet à l’idée de reprendre le travail à la suite d’un arrêt de travail plus ou moins long. Le rythme à reprendre, le retard accumulé, les explications ou justifications à donner tant en interne qu’auprès des clients, l’accueil qui nous est réservé, la place à retrouver, … sont autant de points qui font que nous sommes à la fois impatients de reprendre le travail et inquiets des répercussions sur notre santé. Ces impacts sont d’autant plus importants que l’absence a été longue.

Les agents « facilitateurs » de la sécurité sociale, sont les collaborateurs des médecins-conseils du service médical formés à l’accompagnement des personnes en arrêt de travail afin de favoriser le retour à l’emploi et contribuer à la prévention de la désinsertion professionnelle. Ils interviennent avec l’accord du patient, pour créer les conditions d’un meilleur accès aux droits des personnes en arrêt de travail et en leur fournissant les explications nécessaires sur le parcours à suivre pour une reprise. Ils les mettent également en relation avec le médecin du travail, l’assistante sociale (en cas d’entrée en invalidité ou de situation précaire) et l’association d’aide à l’emploi des personnes handicapées (Agefiph)….

L’entreprise se doit d’accompagner le collaborateur en mettant en place un dispositif d’accompagnement du retour dans l’entreprise, qui définit les modalités du travail, assure le suivi de la réintégration et permet de réaliser les ajustements pouvant s’avérer nécessaires :

  • Définition des responsabilités,
  • Réévaluation des objectifs,
  • Analyse des besoins de formation ou de remise à niveau,
  • Aménagements du poste et du temps de travail,
  • Proposition d’un travail en binôme, un tutorat ou avec un coach professionnel,
  • …/…

Le tout pour une reprise par étape.

Garder le lien avec quelques collègues de confiance permet de rester au courant de la vie de l’entreprise et facilitera grandement le retour au travail.

Un arrêt de travail pour longue maladie ne doit pas se muer en isolement social et professionnel, en dépression et perte de confiance en soi.

La visite de pré reprise avec le médecin du travail permet de faire le point sur sa situation afin de préparer le retour à l’emploi.

Considérée comme individuelle au départ, la reprise de travail, devient  une affaire collective et organisationnelle incluant la combinaison de plusieurs acteurs, le salarié, le collectif de travail, les RH, le management et le référent santé au travail (SST).

Permettre à un collaborateur quel que soit sa maladie de retrouver une place dans l’entreprise et un sentiment d’utilité dans le travail en rompant avec l’isolement social peut aussi être moteur dans sa guérison. Mais cela sera surtout porteur d’un message fort de l’entreprise sur son engagement et sa reconnaissance envers ses collaborateurs. Une étape toute aussi importante que l’intégration de nouveaux collaborateurs.  

 

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