Les déménagements font partie de la vie des entreprises comme étant une décision plus ou moins stratégique mais assurément aux conséquences humaines incertaines. Cette typologie de mobilité collective très souvent subie et consécutive au changement de localisation de l’entreprise, pose la question du rôle de la Direction des Ressources Humaines dans la préparation et l’accompagnement de ce changement pour en limiter les conséquences négatives.

D’après l’étude « l’Observatoire du Déménagement » (réalisée sur les données fournies par 45043 fiches), faite par Les Artisans Déménageurs, sur les grandes tendances de déménagements, il ressort au 31 janvier 2015, que « si Paris, Marseille et Lyon restent les villes les plus attractives en terme du nombre d’arrivés, il est observé un phénomène d’exode de la part de ces villes déjà constaté en 2014, ceux qui les quittent sont plus nombreux que ceux qui y arrivent. Malgré un marché du travail plutôt dynamique, les prix de l’immobilier et la recherche d’une meilleure qualité de vie pourraient expliquer cette évolution.

« Près d’un français sur deux fait appel à un déménageur moins d’un mois avant le jour J. » Un changement observé depuis deux ans, par une prise de décision plus tardive, qui s’expliquerait par la simplification des démarches administratives, internet mais plus tristement par la précarité professionnelle.

Selon la 6ème édition du baromètre du déménagement IFOP/Les déménageurs bretons 2016, les raisons pour lesquelles ces foyers ont déménagés en 2015, sont :

  • 17% pour suivre leurs conjoint(e)
  • 12% pour mutation professionnelle
  • 11% pour se rapprocher de leur nouvel emploi

Il est mentionné également que 1 français sur 3 a changé de logement pour des raisons professionnelles :

  • 40% des hommes ayant déménagé l’ont fait pour une raison professionnelle, contre 27% des femmes.
  • 20% des femmes qui ont changé de logement l’ont fait pour suivre leur conjoint(e), contre 11% des hommes.

Combien d’entreprises ont déménagé ou délocalisé ces dernières années ?

Comme chaque année l’INSEE publie les chiffres du nombre d’entreprises créées en France.

« 554 000 entreprises ont été créées en France, soit 6 % de plus qu’en 2015. Les créations d’entreprises individuelles classiques et celles de sociétés augmentent fortement (+ 10 %). En revanche, les immatriculations de micro-entrepreneurs sont en léger recul (– 0,3 %). Avec un accroissement des créations de 56 % en 2016, le secteur « transports et entreposage » contribue pour près de la moitié à la hausse générale. »

Depuis vingt ans, l’activité des sociétés localisées en France a changé. L’enquête « Chaînes d’activité mondiales » de 2012, réalisée par l’Insee, s’intéresse aux choix stratégiques des sociétés entre faire (internaliser la production) ou faire faire (externaliser en partie ou totalement ses activités, en France ou à l’étranger). En sachant que faire faire à l’étranger, c’est délocaliser.

28 000 sociétés marchandes non financières, employant au moins 50 salariés à la fin 2008, étaient implantées en France.

Entre 2009 et 2011, 4,2 % de ces sociétés ont délocalisé des activités et 3,1 % l’ont envisagé sans le faire.

Ces sociétés employaient près de 500 000 salariés en 2011, soit 6,5 % de l’emploi des 28 000 sociétés étudiées.

Parallèlement, 7,3 % des sociétés ont externalisé une partie de leurs activités dans une autre société implantée en France.

Soit au total, 10,1 % de ces sociétés ont eu à faire faire un choix et/ou un déménagement à leurs collaborateurs.

Pour quelle raison les entreprises déménagent ?

Que ce soit pour recentrer leurs activités, bénéficier de loyers moindres, se rapprocher de leur cœur d’activité, profiter de l’émergence de nouveaux pays industriels à bas coût de main-d’œuvre, ou pour se donner un nouveau souffle, certaines entreprises font le choix du déménagement et demande à leurs collaborateurs de les suivre. Mais de quelle façon s’y prennent-elles ?

La manière dont ce déménagement va être préparé, l’implication de l’employeur et des différentes instances représentatives du personnel, notamment le CE et le CHSCT sont déterminant dans le bon déroulement et la réussite d’un déménagement.

Que dit la loi ?

Dans un projet de déménagement, l’employeur est tenu d’informer et de consulter les représentants du personnel sinon il s’expose à la suspension de la mise en œuvre de son projet, si les informations fournies sont incomplètes ou à une action sur le fondement du délit d’entrave, en cas de non-respect de la procédure :

  • L’article  2323-1 stipule que le CE « est informé et consulté entre autres sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ».

Le rôle du CE sera d’analyser les économies et le coût engendré par le projet. Pour ce faire, il pourra nommer un expert afin de comprendre les économies réalisées par l’entreprise pour éventuellement demander des mesures de compensation ou d’amélioration du projet (en collaboration avec le CHSCT).

  • L’article  4612-8-1 stipule que le CHSCT « est consulté entre autres avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail »

Le CHSCT devra s’engager dans le choix du nouveau site de travail et s’interroger sur la question des impacts de la mobilité géographique sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des collaborateurs :

  • Le temps de trajet domicile-travail va-t-il être allongé ?
  • Le nouveau site est-il facilement accessible ?
  • Y a-t-il un stationnement et des transports en commun ?
  • Quel impact sur l’organisation de la vie privée des collaborateurs : possibilité de prendre les repas en famille, garde d’enfants supplémentaire, embouteillages plus importants, etc…
  • Quels seront l’aménagement et la conception des nouveaux espaces de travail

Le CHSCT devra analyser les mesures d’aide à la mobilité et donner son avis sur les négociations d’amélioration ou de compensation pour les collaborateurs.

Le salarié ne peut pas refuser un changement de lieu de travail si celui-ci est dans le même secteur géographique que celui prévu au contrat ou s’il a signé une clause de mobilité. Dans les autres cas, l’accord du salarié est nécessaire.

La notion de secteur géographique n’est pas strictement déterminée, elle recoupe souvent le bassin d’emploi.

  • Article L 120-2 du Code du travail :  » Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché « .
  • La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, consacre notamment le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8)…

Quelles sont les conséquences sur la vie privée ?

Le Livre blanc de la mobilité géographique des salariés de Far&MG et Cilgère services, parut en juin 2015 met en avant que la mobilité géographique est un atout pour les entreprises et pour les salariés. “L’économie française a d’abord besoin d’une plus grande mobilité professionnelle. Elle permettrait d’aider les chômeurs à se reconvertir et à s’orienter vers les secteurs qui expriment des besoins de recrutement ou d’inciter les salariés à élargir leurs compétences et à se préparer au changement en diversifiant leurs expériences professionnelles”.

Mais les mobilités professionnelles ne peuvent souvent se faire que conjointement à une mobilité géographique. « Paradoxe que connaît l’économie française, qui veut que les employeurs jugent de 20 à 40% les recrutements comme difficiles alors que le chômage est élevé. Plus de mobilité est indispensable pour améliorer la fluidité du marché du travail et pour lutter contre les inégalités territoriales. »

Un des grands défis économique et social est de réussir à faire gagner le travail et l’emploi en flexibilité sans pour autant imposer plus de précarité.

Le déménagement d’une entreprise est un projet important ayant des répercussions sur les conditions et l’organisation du travail des collaborateurs mais pas que. C’est un événement source d’inquiétudes et de stress qui impacte également la vie privée.

Le malaise qui accompagne ce changement de lieu est clairement provoqué par une atteinte de l’image de soi et une perte des repères :

  • Arriver à se loger convenablement sur leur territoire d’arrivée ?
  • La vente d’un bien se fera-t-elle dans des conditions acceptables ?
  • Préserver la vie professionnelle du conjoint ou la scolarité des enfants ?
  • L’éloignement familial, avec des impacts plus forts pour ceux qui sont soutien de famille,
  • La garde des enfants pour les couples séparés,

Avec 300 000 entrées à Pôle Emploi pour licenciement économique en 2009 et avec un nombre d’emplois détruits passé de 145 000 en 2008, 255 000 en 2009 et 357 000 en 2010; la crise du logement due entre autres au déficit chronique de construction et l’emploi, posent problème sur les mobilités géographiques.

Autant d’enjeux soulevés par les mobilités géographiques et professionnelles qui permettent d’identifier les freins mais aussi les leviers d’action possibles sur la mobilité, dont les directions des ressources humaines peuvent se saisir, si elles sont formées aux enjeux de la mobilité géographique.

En conclusion, les détails du déménagement d’une entreprise et l’activation de la mobilité géographique, doivent être pensés pour maintenir la qualité de vie au travail des collaborateurs. En aidant ces derniers à construire un projet de mobilité suffisamment riches en opportunités.

 

Laissez un avis

requis