Il n’est plus nécessaire de prouver que le travail de nuit et en horaires décalés sont à plus ou moins long terme, néfastes pour l’organisme. Un nombre important d’études épidémiologiques démontrent l’impact négatif du travail de nuit sur la santé, dont les effets irréversibles et incapacitants peuvent se faire sentir au-delà de la vie professionnelle.

Selon l’article L3122-32, le travail de nuit reste exceptionnel « Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. » pour des périodes de travail comprises entre 21 heures et 7 heures du matin.

Une convention collective ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir une autre période d’heures de travail de nuit qui sera comprise entre 21 heures et 7 heures, comme par exemple 21h30 à 6H.

A noter que les personnes mineures ont l’interdiction de travailler la nuit sauf cas de dérogation particulière.

Le travail en soirée, issu de la loi Macron  L 2015-990, se trouve soumis à un régime juridique spécifique distinct du travail de nuit et du travail de jour. Les horaires couvrent de 21h à minuit. Le travail en soirée est réservé aux commerces de vente au détail mettant à disposition des biens et des services et situés dans des zones touristiques internationales.

Condition de reconnaissance de travailleur de nuit

Est reconnu comme travailleur de nuit tout travail effectué au cours d’une période d’au moins 9 heures consécutives, comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures. La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et se termine au plus tard à 7 heures.

Dans certains secteurs spécifiques tels que (activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, radio, télévision, production et exploitation cinématographiques, spectacles vivants, discothèques), la période reconnue comme travail de nuit est d’au moins 7 heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures.

La durée quotidienne de travail de nuit ne peut pas dépasser 8 heures consécutives sans dépasser 40 heures par semaine, mais peut faire l’objet d’une dérogation par accord d’entreprise ou d’établissement, convention ou accord collectif de branche, pour durée maximale hebdomadaire à 44 heures.

Le travailleur de nuit bénéficie d’un repos quotidien de 11 heures, mais l’employeur peut en informant l’inspecteur du travail, déroger à cette période en cas d’urgence.

Est considéré comme travailleur de nuit, celui qui accomplit :

  • A minima 2 fois par semaine, au moins 3 heures de travail de nuit
  • ou 270 heures de travail de nuit sur 12 mois consécutifs
  • ou une autre durée minimum fixée par une convention ou un accord collectif de travail.

Les femmes enceintes profitent d’une protection spécifique visant à les affecter sur un poste de jour pendant leur grossesse et jusqu’à la fin du congé maternité.

Le travailleur de nuit bénéficie d’une visite d’information et de prévention faite par le médecin du travail, l’infirmier(e) etc… avant son affectation et d’une visite médicale obligatoire tous les 6 mois.

Il jouit de repos compensateur et/ou de compensation salariale avec la faculté de revenir à un poste de jour en étant prioritaire pour l’attribution d’un emploi correspondant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent.

Le travail de nuit mis en place par un accord d’entreprise ou d’établissement, par une convention ou un accord collectif de branche et doit préciser :

  • les justifications du recours au travail de nuit ;
  • la définition de la période de travail de nuit ;
  • la contrepartie sous forme de repos compensateur et, éventuellement, de compensation salariale ;
  • les mesures pour améliorer les conditions de travail des salariés ;
  • les mesures pour faciliter l’articulation du travail de nuit avec la vie personnelle des salariés et avec l’exercice de leurs responsabilités familiales et sociales (par exemple concernant les moyens de transport) ;
  • les mesures pour l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, notamment par l’accès à la formation ;
  • l’organisation des temps de pause.

Combien de travailleur de nuit en France ?

Dans une étude publiée par la Dares intitulée « le travail de nuit en 2012 », « 15,4 % des salariés (21,5 % des hommes et 9,3 % des femmes), soit 3,5 millions de personnes, travaillent la nuit, habituellement ou occasionnellement. C’est un million de salariés de plus qu’en 1991, l’augmentation étant particulièrement forte pour les femmes. Le travail de nuit est le plus répandu dans le tertiaire : il concerne 30 % des salariés dans la fonction publique et 42 % dans les entreprises privées de services. »

Les métiers les plus représentés sont :

  • Les professions de la santé
  • La police
  • Les pompiers
  • Les employés de commerce, d’hôtellerie et restauration
  • Les médias
  • L’industrie
  • Le transport : aérien, routier, ferroviaire …

Les conséquences du travail de nuit sur la santé

Une étude menée par « Nurses’ Health Study » depuis 1988, sur environ 75000 infirmières en bonne santé travaillant au moins 3 nuits par mois, fait ressortir qu’au bout de six ans de travail de nuit, l’effet néfaste du décalage est ressenti. Que sur celles qui ont travaillé de nuit durant 6 à 15 ans, sont exposées à un risque accru de 11 % de mortalité, de maladie cardiovasculaire de 19 à 23 % (et de 23 % pour celles qui ont œuvré plus de 15 ans).

Le rapport « Shiftwork and Health » publié en 2000 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) met en avant les troubles associés au travail de nuit :  troubles du sommeil et digestif, troubles gynécologiques (au cours de la grossesse risque d’une augmentation d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de retard de croissance intra utérin), cardio-vasculaires, psychologiques et cancer du sein (qui serait dû aux perturbations des rythmes biologiques) et colo­rec­tal. En cause, la per­tur­ba­tion des ryth­mes cir­ca­diens et l’affai­blis­se­ment des défen­ses immu­ni­tai­res résul­tant d’une insuf­fi­sance de la méla­to­nine.

Depuis 2007, le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) a classifié le travail de nuit comme « agent probablement cancérogène pour l’homme ».

Dans une enquête « Santé et itinéraire professionnel » menée en 2007 par la Drees et la Dares portant sur des personnes âgées de 50 à 59 ans, exposées pendant au moins quinze ans au travail de nuit. À caractéristiques sociodémographiques équivalentes, une exposition de quinze ans ou plus au travail de nuit accroît la probabilité d’être limité dans les activités quotidiennes de presque 50 %.

La nuit les personnes ne peuvent pas avoir accès aussi facilement que le jour à une alimentation variée, la nourriture industrielle reste la plus répandue, avec tout ce que l’on sait (trop gras, trop salé, trop chimique…) favorisant ainsi un risque de surpoids.

Le tra­vail de nuit tend à augmenter cer­tains facteurs anxiogènes tels que le stress de « la dette de som­meil » ou le sen­ti­ment d’iso­le­ment et de grande solitude, ces sentiments pouvant induire indi­rec­te­ment des troubles hyper­ten­sion arté­rielle, trou­bles du rythme car­dia­que et favoriser une augmentation du taba­gisme pour les fumeurs.

En 2012, la Société Française de Médecine du Travail, sous l’égide de la Haute

Autorité de Santé, pour la surveillance médico-professionnelle des travailleurs postés ou de nuit ont publiée des recommandations médicales de bonnes pratiques, pour la surveillance médico-professionnelle des travailleurs postés ou de nuit :

  • d’informer sur les effets pathogènes possibles de ce type de travail et de rechercher les éléments cliniques pouvant être en lien.
  • de donner une information spécifique aux femmes en âge de procréer sur les risques éventuels en cas de grossesse, et sur le risque de cancer.
  • d’interroger spécifiquement les salariés sur : leur temps de sommeil sur 24 heures et leur capacité de récupération, leur « chronotype » c’est-à-dire leur horloge biologique, leurs habitudes alimentaires, de vie (sport, …). Pour cela des outils spécifiques à type de questionnaires ou d’échelles sont disponibles.
  • de réaliser un suivi médical régulier s’attachant particulièrement à la recherche des effets pathogènes sur la santé décrits précédemment (troubles du sommeil et/ou de la vigilance, somnolence, accidents du travail, problèmes cardio-vasculaires ou digestifs, anxiété, dépression, suivi gynécologique, …).

Les conditions de travail de nuit génèrent de façon certaine des effets sur la santé, mais actuellement aucun seuil limite d’expo­si­tion n’a été fixé (5, 10 ou 15 ans), mais il est démontré qu’au-delà de 15 ans, les effets nocifs sont existants.

Les conséquences du travail de nuit sur la vie personnelle

Le travail de nuit est aussi propice à une dégradation du bien-être et de l’insertion sociale.

L’arti­cu­la­tion entre le tra­vail et la vie per­son­nelle est rendue plus dif­fi­cile en raison du décalage des horai­res, qui s’accom­pa­gne d’une alté­ra­tion de la qua­lité des rela­tions fami­lia­les et socia­les, d’autant plus vrai dans le cas de famille monoparentale.

Les troubles notables du sommeil du travailleur de nuit générant des troubles métaboliques, ont un impact sur la vie de couple par la diminution souvent associé de la durée du sommeil du conjoint, ce qui aboutit à un déficit chronique de sommeil de 1 à 2 heures par jour.

Les possibilités d’utiliser les transports en communs sont quasiment inexistantes pour les travailleurs de nuit, les obligeant à investir dans un moyen de transports particulier. Ce qui génère des coûts financiers supplémentaires alors que la moyenne des salaires de nuit ne fait état que de 8% à 10% d’augmentation par rapport à un salaire de jour.

Le risque routier est accru dû au manque de vigi­lance induit par la fati­gue à la sortie des postes de tra­vail.

Les mesures favorables pour limiter les effets négatifs sur la santé

En 2017, l’INRS dans un dossier intitulé « Risques-travail de nuit et travail posté », une liste de recommandations pour limiter autant que possible les effets du travail de nuit sur les collaborateurs :

  • Faciliter l’articulation des temps de travail avec l’exercice des responsabilités familiales et sociales,
  • S’assurer que les horaires de poste (début et fin) sont compatibles avec les horaires de transport en commun,
  • Favoriser la dimension collective du travail,
  • Être attentif à rompre l’isolement des salariés concernés et la monotonie des tâches qui leur sont confiées,
  • En cas de rotation des postes, prévoir du temps pour les transmissions d’une équipe à l’autre,
  • Aménager des systèmes de rotation réguliers et flexibles : permettre aux salariés d’anticiper leur planning, prévoir des marges de manœuvre pour les échanges d’horaires entre salariés,
  • Favoriser le maximum de week-end de repos
  • Proposer une équipe de nuit permanente,
  • Raccourcir la durée des postes de nuit
  • Privilégier les rotations à rythme intermédiaire (entre 4 et 5 jours d’affilée) ou proposer une équipe de nuit permanente,
  • Privilégier les rotations dans le sens horaire (matin/après-midi/nuit) et d’une durée maximale de 8 heures,
  • Repousser le plus possible l’heure de prise de poste du matin (après 6 heures),
  • Prévoir un minimum de 11 heures de repos entre 2 postes,
  • Privilégier les jours de repos après les postes de nuit de préférence,
  • Insérer les pauses appropriées pour les repas, pour le repos et la sieste. Cette dernière doit être courte de moins de 30 minutes,
  • Adapter l’environnement lumineux : prévoir une exposition à une lumière d’intensité assez importante avant et/ou en début de poste puis la limiter en fin de poste,
  • Rendre possible le retour en horaires classiques.

Recommandations pratiques de prévention individuelle

Les entreprises aidées par les services de santé au travail ont un rôle important à jouer dans le suivi médical des salariés travaillant de nuit ainsi que pour les informer sur les risques encourus :

  • détecter les personnes qui sont « du matin » ou « du soir » pour les orienter
  • éviter les excitants (la consommation de caféine est possible au début de la prise de poste mais à éviter sur les dernières heures de travail)
  • faciliter des pauses avec un temps de repos (ou sieste) court de moins de 30 minutes lors du travail de nuit ou lors du poste du matin,
  • limiter l’exposition à la lumière en fin de poste,
  • informer sur les conditions favorables pour obtenir un sommeil diurne de qualité et réparateur à domicile : noir absolu, silence, téléphones débranchés ou en mode silencieux, …
  • respecter le rituel du coucher : lecture reposante, tisane, toilette, …
  • ne pas grignoter ni sauter de repas. Respecter 3 prises alimentaires par jour, à horaires les plus réguliers possible, à caler en fonction de son rythme de travail :
    • Petit déjeuner complet avec un laitage et des fruits
    • Avant la prise de poste : des protéines (viandes et poissons), des glucides en petite quantité et des légumes
    • Après le travail : un repas plus léger en favorisant les glucides
  • pour les postes du matin et de nuit : faire une collation légère,
  • pratiquer une activité physique régulière.
  • Avoir un soutien social et familial.

Les effets des horaires de nuit ou postés peuvent varier selon les personnes. L’acceptation par les collaborateurs qu’elle soit personnelle ou imposée par des contraintes économiques, peut influer sur le choix et   sur la capacité de tolérance individuelle à cette organisation de travail. L’employeur doit privilégier la mise en place de mesures de prévention en amont, en évaluant les compétences de chacun, afin d’anticiper et de minimiser le plus possible les impacts sur la santé des salariés qui y sont soumis. L’ANSES recommande « la mise en place d’organisations du travail qui visent à réduire la désynchronisation et la dette de sommeil. ».

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