Beaucoup d’entre nous pensons que devenir manager est une étape fondamentale dans le déroulement d’une carrière professionnelle, assimilable même à une certaine forme de réussite. Pour autant, certains managers vivent des périodes parfois longues de stress, qui les épuisent et les dépriment, se sentant impuissants et seuls par rapport à des situations difficiles. Il paraît indispensable de faire avancer la réflexion sur ce sujet car la productivité d’une entreprise en dépend.

D’après le dictionnaire Larousse, la définition du manager, c’est d’être capable d’organiser, de gérer et de diriger pour conduire et piloter l’action des individus.

Il n’y a pas si longtemps, le symbole du pouvoir hiérarchique tout puissant sévissait en maître, il a cédé la place à des situations de travail bien plus complexes où le manager est un coach, un leader, un politicien, un communicant, un “surveillant”, un entrepreneur, un planificateur, etc.

Il doit tout autant permettre l’atteinte des résultats et objectifs de l’organisation, il doit staffer ses équipes, réguler la charge et être garant de son équilibre au sein du collectif. Il doit aussi reconnaître les potentiels, valoriser l’investissement, l’originalité, de l’initiative, de la créativité et de la qualité de vie du collectif. Enfin, il doit être en capacité de sanctionner les déviances.

En effet, un manager joue un rôle fondamental dans la création d’un cadre de travail garant de la santé sécurité et engage au quotidien son entreprise en matière juridique. Il doit avoir conscience de ses marges de manœuvre : comment qualifier un comportement fautif, agir efficacement en cas d’absence, concilier les impératifs imposés par les clients en respectant les règles en matière de congés ou de durée du travail ?

Naturellement l’autorité s’en trouve profondément changée, avec à la clé de nouveaux challenges tant pour les managers que pour les managés et leurs N+1. Ce qui tend vers une organisation nouvelle du travail plus autonome et beaucoup plus communicante. 

L’organisation du travail de nos jours dans les entreprises

Dans une interview sur le burnout, donnée à France 3, Marie Pezé – Docteur en psychologie, psychanalyste et auprès de la Cour d’Appel de Versailles, donne sa vision de l’évolution du management.  « L’économie mondiale a changé, elle est pilotée par la demande croissante du consommateur. Ce qui implique une profonde modification du management et des process de travail. Les entreprises petites ou grandes se trouvent confrontées à des modèles managériaux de fusions/rachats incessants, de réorganisations tous les 3 mois, qui empêchent les salariés de stabiliser leurs savoir-faire et leurs compétences. Un collectif de travail souvent disloqué. Auparavant le manager était une personne issue du métier alors que maintenant, ils ont des missions transversales très éloignée de l’activité et se retrouvent à manager des objectifs, avec un rôle de contrôle et de reporting important. Une forme de folie collective qui vise à disciplinariser le corps du salarié au lieu de chercher à améliorer le travail ».

D’après Henry Mintzberg, universitaire canadien en sciences de gestion, dans son ouvrage sur l’essentiel du management, « toute activité humaine donne naissance à deux besoins fondamentaux : la division du travail entre différentes tâches et la coordination de ces tâches pour accomplir une activité. ».

« La profession de manager est très complexe et très difficile. Le manager est écrasé par le fardeau de ses obligations et pourtant il ne peut pas facilement déléguer ses tâches. C’est pourquoi il devient rapidement surchargé de travail et qu’il est obligé d’accomplir ses tâches de façon superficielle. La brièveté, la fragmentation et la communication verbale caractérisent ainsi son travail.»

Ainsi, certaines organisations du travail et/ou de multiples attendus placés dans le management, placeraient des managers dans une posture difficilement tenable, à la limite de la rupture.

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Surchargés, ces derniers s’épuiseraient littéralement à satisfaire des objectifs tellement élevés voire contradictoires qu’ils finiraient par paraître absurdes :  

  • investissement sur de nombreux sujets sans jamais avoir le sentiment d’avoir pleinement accompli son travail (qualité empêchée),
  • manque de satisfaction éprouvée à son travail sans atteinte de résultats,
  • manque de reconnaissance suffisante de la part l’entourage professionnel,
  • perte progressive du sens de son travail (conflits de valeur).

D’où viennent les managers d’aujourd’hui ?

Les grandes écoles de management proposent en règle générale une formation généraliste permettant d’acquérir de solides bases théoriques et pratiques de compétences requises en entreprise tout en développant le potentiel de management de l’élève.

Mais savent-elle vraiment ce que fait un manager et comment ? Car manager ne s’apprend pas uniquement sur les bancs des écoles.

Il y a ceux qui ont fait « l’école de la vie », c’est d’ailleurs une grande pourvoyeuse, elle représente la plus grande partie des managers de nos entreprises actuelles.

Et si nous partions du postulat que nous sommes tous (managers et managés) fragiles et vulnérables ? Cela ira certainement à l’encontre de l’idée couramment répandue que nous sommes tous capables, et que si on n’y arrive pas, c’est dû à un problème de volonté.

Quelles obligations pour l’employeur ?

Que font les entreprises pour leurs managers, en sachant qu’ils sont reconnus comme étant responsables de la santé mentale de leurs subordonnées ?

Le Code du travail stipule que l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont reconnus comme maladie professionnelles mais cette maladie professionnelle ne cesse d’augmenter, due à l’intensification du travail qui pulvérise les seuils biologiques et neurophysiologiques du corps humain. La solution serait de réduire les cadences, en redonnant plus de souplesse et de latitude au salarié.

Que peuvent proposer les entreprises pour accompagner et former les managers ?

  • Une formation en ergonomie ? A partir du moment où l’on considère que l’ergonomie est synonyme de l’équilibre entre santé et performance, on peut facilement imaginer que tout le monde est concerné.

L’ergonomie, permet de concilier ce qui est demandé aux gens avec ce que cela leur demande. L’ergonomie n’étant pas appliquée uniquement aux conditions physiques de travail, elle permettrait au manager d’acquérir des compétences pour s’adapter aux besoins de leurs équipes.

  • Avoir le temps de construire un collectif de travail ? Comment passer du travail collectif au collectif de travail, qui représente pour les collaborateurs un excellent lieu de parole et d’expression, permettant de libérer les tensions et d’aider à lutter contre la souffrance au travail sous toutes ses formes.
  • Apprendre à déléguer en suscitant la prise d’initiative. Déléguer permet aux managers de se recentrer sur sa mission principale tout en développant la créativité de son équipe.
  • Apprendre à communiquer. Le manager informe beaucoup mais communique peu. Or la communication influe sur la motivation de l’équipe.
  • L’exemplarité ou s’appliquer à soi-même ce que l’on attend des autres. Ponctualité, réactivité, esprit d’équipe, politesse et sensibilité envers les autres, prise d’initiatives, sens des responsabilités… font partie des qualités communément attendues d’un manager.
  • Une formation en médiation dans la résolution de conflit. Apprendre à observer, écouter, montrer l’exemple en acceptant les différences et divergences comme source de progrès. Permettre ainsi l’expression des tensions en aidant à la prise de recul et à la recherche de solutions.

Pour conclure, un manager est par définition une personne qui gère une équipe dans un environnement en mouvement perpétuel.

Un bon manager doit se poser des questions !  Que ce soit sur l’ambiance qui règne au sein de son équipe ou vis-à-vis de lui-même, il se doit de se remettre en question, avoir l’humilité nécessaire pour lui permettre de s’améliorer.

Qu’il soit junior ou senior, le manager ne peut plus uniquement se reposer sur ses acquis. Il doit aujourd’hui rester en veille permanente dans son domaine d’activité, avoir recours à des formations, se documenter, ou encore reconnaître et rendre visible ses problématiques de management, enfin oser demander de l’aide.

Les nouvelles organisations sont-elles prêtes à entendre, soutenir et aider des managers en difficulté dans l’atteinte des objectifs qu’elles leur fixent ?

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